Jean Gosset (1912-1944)

Yves Farge

Yves Farge

Commissaire de la République
Farge - Rebelles, soldats et citoyens

Yves FARGE

Rebelles, Soldats et Citoyens
Grasset, 1946
Témoignage d’une rencontre à Paris début 1944, au retour de Londres de Jean Gosset
Extrait de Rebelles, Soldats et Citoyens, Editions Grasset 1946

 Christophe était parti de Londres après l’arrestation de Cavaillès, il en était revenu avec des consignes précises de sabotage. On le parachuta près de Nantes. Il fut traîné au sol et je le retrouvai du côté de la Porte de Saint-Ouen, couché et furieux d’avoir la patte raide.

Christophe portait un visage d’enfant, ses yeux étaient bleu très clair. Aux livres qui l’accompagnaient, j’ai toujours soupçonné qu’il devait enseigner la littérature anglaise. Je n’ai jamais connu son identité.
Dès qu’il fut rétabli, Christophe constitua son équipe. Marc Laurent avait mis à sa disposition des pièces d’identité de tout premier choix, établissant en bon français et en bon allemand que lui et ses hommes appartenaient, sans contestation possible, à la brigade anti-terroriste de la rue Lauriston.
La dernière fois que j’ai rencontré Christophe, c’était au thé du Bon Marché. Nous avions découvert une table juste au milieu de la salle, la seule qui fût libre, et nous nous trouvâmes entourés d’un nombre impressionnant de petites vieilles gourmandes aux yeux desquelles notre groupe parut insolite. Christophe entra, les traits tirés, mal ou pas rasé ; il se jeta sur un siège et nous raconta sa nuit. Avec son équipe, il avait pénétré arme au poing dans une usine de la banlieue fabriquant du matériel de guerre. Tout avait bien marché : l’usine était condamnée au silence. Il fallait sur le champ télégraphier à Londres pour éviter un bombardement aérien. Sur la marge d’un livre, Biran ( ) prit note du télégramme. Christophe se leva pour partir ; nous nous disposions à le suivre lorsqu’en prenant son imperméable à l’envers il fit tomber aux pieds des dames un magnifique pistolet. Nous ne retournâmes jamais plus au Bon Marché.

Christophe aux yeux bleus partit pour la Bretagne. Sa mission le contraignait à la surveillance des bases sous-marines. On n’eut plus jamais de ses nouvelles. On m’a dit qu’il avait rejoint son premier patron Jean Cavaillès, dans une mort héroïque.

(1903-1945) Professeur de philosophie, militant marxiste, et résistant français.
Pierre Kaan suit des études de philosophie. Il soutient un DES sur Nietzsche en 1923, puis devient professeur de philosophie. Il adhère à la SFIO en 1919, et suite à la scission de 1920 rejoint la SFIC (futur Parti communiste). Il est repéré par Boris Souvarine, qui le fait entrer à la rédaction de L’Humanité.
À partir du milieu des années 1920, il s’oppose aux orientations de la direction du Parti, et quitte finalement le PC en 1929 pour rejoindre le groupe communiste de Boris Souvarine, qui devient en 1930 le Cercle communiste démocratique. Il participe au Bulletin communiste et à La Critique sociale.
En juin 1940, il tente de gagner l’Angleterre, échoue, puis commence des actions de résistance à Montluçon. Membre de Libération-Sud, il doit changer plusieurs fois de pseudonyme : il sera ainsi Dupin, Brulard, ou Biran. Le 6 janvier 1943, il organise une manifestation à Montluçon pour empêcher le départ d’un train du STO. Proche de Jean Moulin, il participe à l’unification des différents mouvements de résistance.
Arrêté le 29 décembre 1943 par la Gestapo, il est torturé, puis déporté à Buchenwald, et enfin à Gleina. Libéré par des antifascistes tchèques, il meurt quelques jours après, le 18 mai 1945. (Source Wikipédia)

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