La situation financière du jeune ménage de mes parents, avec deux enfants, était un peu difficile
Un professeur débutant devait gagner sa vie encore plus modestement qu’aujourd’hui
Donc en plus de son service d’enseignement, mon père faisait passer des « colles » (le lycée de Brest comptait des classes préparatoires à plusieurs grandes écoles) aux futurs Saint-Cyriens, qu’il trouvait, je crois, assez souvent stupides.
Pour augmenter un peu ses revenus, il corrigeait aussi des devoirs par correspondance. Ce travail supplémentaire, il l’appelait familièrement « le Bonnafous » parce que les copies provenaient d’un centre dirigé par un monsieur de ce nom : « J’ai passé les journées d’hier et avant-hier à corriger des Bonnafous », écrit-il dans une lettre d’août 1937.
À la fin de l’année scolaire, Jean est bien sûr examinateur pour le bac de philosophie
À cette époque-là, l’oral avait lieu pour tous les candidats au chef-lieu d’Académie, c’est-à-dire à Rennes. Il retrouve donc dans le train des collègues qui vont eux aussi faire passer l’oral, parmi lesquels Paul Ricoeur, alors professeur à Lorient, je crois.
Nommé en 1938 à Vendôme, il aimait faire cours dans le parc du lycée Ronsard, à la fin de l’année, par beau temps
Gosset était excessivement sympathique et il réussissait à nous faire rire avec ses cours de philosophie, dit aussi J. Teyssier. C’était extraordinaire. Il y avait beaucoup de rires en classe. […] Une matière nous paraissait particulièrement rébarbative : la logique formelle. Il a réussi à nous amuser avec ça.
Comme le voulait la tradition, Jean Gosset, en tant que jeune professeur, dernier arrivé dans l’établissement, prononce en juillet 1939 le discours de distribution des prix. Il choisit de parler des personnages littéraires :
Ce qu’on appelle un héros, ce n’est pas un homme ; et les Grecs n’avaient pas tort de le nommer demi-dieu ; ce qui le représente pour nous, c’est un ensemble choisi de ses actions, ou même une seule d’entre elles, dont on continue d’âge en âge à faire le récit.
[…] Pour les autres, nous sommes presque toujours, comme s’en plaint un personnage de Malraux, la somme de nos actes, des héros estimés ou méprisés, et non pas nous-mêmes avec nos faiblesses et nos espoirs. Mais tels que nous nous voyons, ne sommes-nous pas plutôt ce que nous devrions être, ce que nous cherchons, ou même ne cherchons pas à devenir ?
« Hommage à Jean Gosset », par Raymond Personne Le Vendômois (3ème année, N° 105)
Je le revois encore, quand il arrivait, dans cette petite classe où nous l’attendions avec impatience. Il avait une façon toute personnelle de nous présenter ses cours, une façon directe [qui] nous forçait à réfléchir ; il remuait les fibres de nos coeurs de jeunes hommes qui s’éveillaient à la vie, nous présentait toujours la question traitée sous son côté humain, et se gardait surtout de planer dans les hautes sphères inaccessibles.
En décembre 1945, Raymond Personne écrivait Emmanuel Mounier puis à Denise Gosset :
Je revois cette dernière année de philosophie au lycée Ronsart à Vendôme en 1938-39. Je revois toute cette équipe de jeunes avides de son enseignement et qui l’aimaient tant. Ses discussions passionnés dans le parc du lycée, ses conseils, cette jeunesse de caractère, ce dynamisme…
Juillet 1939 – Discours de distribution des prix au lycée de Vendôme
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