L’expression de la liberté
En septembre et octobre 1940 respectivement, paraissent deux articles signés Jean Gosset dans Le Républicain orléanais et du Centre, un journal dont Secrétain est le rédacteur en chef. Dans le premier, paru le 1er septembre 1940 et intitulé « La mort des partis politiques », avec pour sous-titre « Elle va permettre une résurrection des idées et des hommes », il explique, avec un bel optimisme, que, les partis étant « à peu près supprimés », c’est maintenant une belle occasion pour prendre au sérieux les propositions, pour « regarder en face les idées et les projets », à condition de les considérer en eux-mêmes et « sans arrière-pensée », sans se laisser influencer par « les étiquettes parasites », ce qui ne manquait pas de se produire quand ces idées émanaient d’un parti.
Le deuxième article, du 5 octobre, « Défense de quelques écoles », s’en prend à la suppression, par le gouvernement de Vichy, des écoles normales primaires, foyer de mauvais esprit, d’après Vichy, qui ose imputer la défaite à l’action des instituteurs !
Mais peut-on attendre des journaux, en zone occupée, une quelconque liberté d’expression ?
Le nouveau régime s’est mis en place. Comme il l’avait prévu, les deux nouveaux « papiers » annoncés par Gosset et envoyés au journal Le Républicain, dont l’un est un plaidoyer pour Langevin, ne paraîtront jamais. Paul Langevin, grand physicien de renommée mondiale, professeur au Collège de France et proche du parti communiste, a été arrêté en octobre par la Gestapo.
Le 6 décembre, il exprime sa déception dans une lettre à Roger Secrétain :
J’ai constaté avec une très grande peine la transformation du journal [Le Républicain], l’apparition des communiqués de propagande, d’abord en tout petits caractères, puis en plus gros – la disparition à peu près complète des éditoriaux signés R.S. – les éloges de Pierre Laval – dont celui d’aujourd’hui doit vous être comme à moi, par sa dimension et son contenu, difficilement tolérable ; etc. Si bien que maintenant il ne m’est vraiment plus possible de lui faire aucune réclame, sinon rétrospective. […] Je n’ai d’ailleurs pas, vous le comprendrez sans peine, l’intention de renouveler cet abonnement, à moins que les choses changent et qu’on vous laisse plus de liberté. De même que je n’ai plus envie (sous la même réserve !) d’envoyer des articles.
Quant au statut des juifs, il y réagit par une démarche en faveur d’un inspecteur d’Académie révoqué, Gilbert Pimienta :
Dans certains lycées de Paris (et peut-être d’ailleurs – nous le faisons ici pour notre inspecteur d’Académie), les membres de l’Enseignement ont fait une demande en faveur de leurs collègues juifs menacés à très brève échéance par l’application de la loi du 3 octobre, pour que leur soit appliqué l’article 8 de la loi, prévoyant des exceptions pour ceux qui auraient rendu d’éminents services littéraires, scientifiques ou artistiques.
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