Jean Gosset (1912-1944)

De Mounier à Cavaillès

Jean Gosset 1942
La Résistance, du moins au début, n’empêche pas le philosophe de poursuivre ses recherches

En novembre 1941, Jean Gosset a obtenu la bourse du CNRS qu’il avait sollicitée. Il a fourni dès le mois d’avril précédent, pour chacune de ses deux thèses, une « notice sur les travaux en cours ». Sa thèse principale, d’épistémologie, qui sera dirigée par Gaston Bachelard, a pour sujet « Explication et singularité ». La thèse complémentaire, dirigée par Jean Laporte, s’intitule « Contribution à l’étude du génie ».

Dans la même ligne que la pensée de Bachelard, qui est aussi celle de Cavaillès, il ne situe pas l’épistémologie, en tant que philosophie des sciences, en amont du travail de découverte, à titre de préalable à l’activité du savant, ni en aval, comme commentaire sur les résultats obtenus, mais comme un accompagnement de cette activité. La science remet sans cesse en cause ses fondements mêmes, parce que la science est un devenir. C’est pourquoi dans la lettre demandant son détachement au CNRS, Jean Gosset écrit :

Le sujet de ma thèse principale exige que je ne me contente pas d’une discussion de doctrines philosophiques, ni d’une documentation livresque sur les sciences, mais que je prenne au contraire un contact très précis avec le travail scientifique lui-même, que j’en acquière une connaissance assez approfondie ; ceci n’est possible que par l’accès auprès des chercheurs eux-mêmes et jusque dans les laboratoires.

On peut constater, en lisant les appréciations de ses directeurs de thèses ainsi que le rapport sur les travaux en cours qu’il a lui-même rédigé, daté des 3 et 4 avril 1942, c’est-à-dire après un an de travail soutenu, que celui-ci a considérablement avancé. Il expose les nouvelles pistes de réflexion où il s’engage. Il prend ses distances avec la sociologie et la psychologie sur lesquelles il avait d’abord essayé de tester ses intuitions concernant la structure. Il se tourne maintenant plus volontiers vers les mathématiques et la physique, et mentionne plus spécialement la cristallographie.

On sent bien que l’influence d’Emmanuel Mounier décline, tandis que celle de Jean Cavaillès s’affirme,
en philosophie comme dans l’action

On n’a d’ailleurs aucune trace de communication entre Mounier et Gosset à partir de l’automne 1941. Incontestablement, Jean Gosset s’est engagé, du point de vue philosophique, sur de nouvelles voies.
Emmanuel Mounier demeure sans doute une référence en tant que maître spirituel, mais pour la philosophie proprement dite, comme pour l’engagement militant, son maître, c’est désormais Cavaillès.

Extrait de « Sur les traces de Jean Gosset »

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